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Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

mercredi 18 mai 2011

L'hédonisme moderne comme voie du puritanisme .

(Torture d'une sorcière comme figure érotique)





Le puritanisme est un aspect massif de l'Âge de fer . Il me semble indispensable de préciser en préalable qu'il en est aussi un aspect typique, c'est à dire que d'autres cycles du monde ne l'ont pas reconnu . Le puritanisme est sans doute le caractère le plus virulent des modernes. Il s'étend à toutes les puissances, comme peur du sacré, du sang, du sexe, de la violence, du désir. Il est l'étrangement de l'homme à son sang, à sa chair .


La définition historique de puritanisme n'est pas complètement celle qui nous concerne . L'histoire comme science ne définit pas le sens des mots de la tribu, elle le suit . Ceci pour dire, à l'avance, que je n'évoquerais pas les puritains historiques .


Le puritanisme apparaît comme un type de structuration psychique, et comme l'ensemble des discours produits par cette structuration . Il existe une analogie systémique entre la structuration sémantique du monde produite par l'idéologie et la structuration de l'ego comme instance intra – psychique, ne serait-ce que parce les limites du Moi sont aussi les limites du Non-moi, ou Monde . L'idéologie produit une structuration psychique, et vice – versa . Cette évidence aveuglante n'est obscurcie chez les modernes que pour deux raisons .


La première est que la plupart des psychologies, psychanalyse comprise, sont des dépendances de l'idéologie – racine, et nomment « réalité » l'ontologie de celle – ci, et pas celle de la mécanique quantique, pour prendre un exemple compréhensible pour un homme moyen . De ce fait, il est courant de nommer « respect du principe de réalité » l'asservissement à cette idéologie ontologique . Cette définition du problème empêche de poser la problématique du lien entre la forme de l'idéologie ontologique reconnue comme « réalité » et la forme de la psyché, en particulier de émergence de l'ego . C'est par cet asservissement à l'idéologie racine que la psychologie moderne a du reconnaître l'ethno-psychiatrie, et l'ethno-psychologie, comme des domaines séparés . Mais une psychologie véritable doit être en puissance de rendre compte des liens entre la construction sémantique du monde dans la culture, et la construction sémantique de la psyché, qui se fait aussi dans la culture . Pour tout dire, il n'existe rien de tel qu'une psychologie comme science .


La psychologie moderne est en quelque sorte la recension des écarts à la norme du principe de réalité, l'étude des causes de ces écarts, sous forme d'erreur (les illusions), sous forme de maladie (psychiques, tant que l'on ne peut pas les dire biologiques, organiques, avec le sentiment de se rapprocher des VRAIES causes, comme la « dyslexie »), ou encore sous forme de faute (de perversion, de sociopathie, de criminologie) . Bref, la psychologie moderne est la forme moderne de la normalisation par la confession . Par exemple, quand un « fait de violence » a troublé l'équilibre d'une communauté, on envoie les psychologues, pour que les réactions restent NORMALES, c'est à dire assimilables par le Système .


La deuxième, c'est que la définition moderne de la psychologie en tant que science particulière ayant un objet bien défini empêche résolument d'aborder, de l'intérieur de son cadre étroit, ce fait que l'objet de la psychologie est défini dans le psychisme ; ou encore, que si la pensée est produite par l'activité du cerveau, l'activité du cerveau dans tous ses paramètres observables sont un produit de la pensée . C'est à dire que l'âme, est en quelque sorte, toutes choses, ou encore que l'on ne saurait trouver les limites de l'âme – distinguer des qualités premières propres aux objets, et des qualités secondes propres aux représentations . L'être est une totalité dans laquelle émergent le monde et l'ego .


Rien n'est comme objet pour nous qui ne soit objet de conscience – de même que toute conscience est conscience de quelque chose . La conscience se perd dans les objets comme la mer sur le sable de l'estran . Rechercher par la pensée une construction de l'objet antérieure à la pensée, pour pouvoir dire ce qu'est la psyché en disant ce qu'est l'objet, c'est l'illusion de l'idéologie racine . L'objet est le pôle d'une indéfinité de relations, comme le nœud d'une toile ; et en enlevant un par un les fils, on voudrait dire ce qu'est la toile, et le nœud . Nous faisons des distinctions – mais comment dépasser cela sans sortir du monde, et de l'ego ? La réflexion de Varela sur l'énaction n'est pas une variante de la psychologie, elle est la fin de la psychologie standard, puisqu'elle la prive de son socle ontologique illusoire, de son principe de réalité .


L'idéologie est constitution de l'ego et du monde . Il ne s'agit pas, donc, des puritains anglo-saxons de l'époque dite moderne par les historiens . Il n'empêche qu'une filiation historique n'est pas exclue . Le puritanisme est à la fois un aspect de la racine idéologique de notre âge, et un sous – ensemble fonctionnel du Système . Je pose cette thèse en hypothèse de départ, au vu du caractère massif du puritanisme moderne, qui se cache tant dans le discours sur le sexe, depuis au moins le XVIIIème siècle – voyez Foucault – que dans les discours hygiéniques de prévention et de prohibition ( alcool, tabac, drogues, violence routière, parité, etc...et tous ces « problèmes » complètement inconnus des sociétés antérieures ). Si l'on admet que l'écologie moderne est largement puritaine d'inspiration, on peut concevoir qu'une part très importante des matrices idéologiques qui informent le discours spectaculaire sont de type puritaines .


Ce qui est probable – ce qui est l'hypothèse fondatrice - dans cette analyse commençante, c'est que le puritanisme est le type même de constellation psychique-idéologique qui construit ces fantômes grotesques nommés « les grands problèmes de notre temps, dans la conjoncture actuelle, etc ». Il s'agit désormais de caractériser le puritanisme comme économie psychique à l'échelle individuelle et comme matrice de production idéologique .


Dans le sens où je l'emploie, la Terreur est une manifestation massive de puritanisme, et Robespierre, l'Incorruptible, un personnage typiquement puritain . Jésus lui même a été tenté, et Pierre a renié le Christ ; mais pas Robespierre, non seulement incorruptible, mais in-tentable . Le puritain ne fonctionne pas seulement sur de hautes exigences morales, mais sur le déni : déni de toute pulsion mauvaise, déni de la réalité du désir immoral, déni de son agressivité, déni, déni...et donc clivage massif, division en soi-même .


La négation d'une partie de ses désirs non seulement comme interdits, mais comme inexistants, est un premier caractère de cet objet que je cherche à construire comme objet d'étude, le puritanisme . A ses propres yeux, le puritain a vaincu le mal, et a vaincu le mal par ses propres efforts, que ce soit avec l'aide de Dieu, comme second, ou non . Le clivage du bon Moi et du Mal permet une sorte d'ivresse narcissique qui se présente comme modestie . Ce qui distingue le puritain du sage, c'est que le premier développe rapidement des capacités d'agression, sous ses dehors de sagesse . Il est comme un serpent venimeux sous un bétyle .


Du fait de l'importance de ce déni intérieur, le puritain est un être empoisonné par le ressentiment, est l'homme du ressentiment par excellence . Il est l'être haineux, empli de colère, qui se présente comme pur de haine et de colère . La voix du puritain est typiquement légère, douce, comme s'il avait intérieurement renoncé à toute agressivité, à toute envie, et à toute haine . Mais les introjections de sa haine, de son envie et de ses désirs condamnés se rejettent sur ses ennemis . Il existe un puissant clivage entre le bon Moi et le Mal rejeté à l'extérieur . Le puritain peut sembler paranoïaque, tant il décrit ses ennemis comme de pures marionnettes de sa haine .


Ce déni provoque chez le puritain une rage exterminatrice, car le puritain croit pouvoir en finir avec les mauvaises herbes, avec le Mal, définitivement . Le mal est pour lui un objet, quelque chose d'entièrement extérieur à lui, donc d'extérieur à l'homme en général, car le puritain, du fait de son narcissisme développé soutenu par une sorte de fusion entre le moi, le surmoi et l'idéal du moi, s'identifie à l'homme en général, et montre une très faible empathie, ou capacité à penser selon les principes intérieurs des autres . Le puritain est bon à ses propres yeux, du moins assez bon pour prononcer du haut de son ego le Jugement dernier . Il connaît la morale, et elle ne transige pas .


Ayant entièrement extériorisé le mal, il peut le considérer comme un objet externe mauvais, quelque chose comme un nuisible qui peut être détruit : suspects, aristocrates, prêtres, machistes, etc . La guerre puritaine n'est pas la guerre noble, qui est la reconnaissance des raisons de se battre de l'adversaire, et le respect de sa vie – le modèle étant le geste de Saladin, à la bataille des cornes de Hattîn, offrant à boire à ses adversaires vaincus, puis les laissant partir . La guerre puritaine est exterminatrice et méprisante .


Le puritain fait la guerre avec la conviction toujours renouvelée qu'il fait la dernière . Kant, dans la Critique de la Raison pure, croit ainsi avoir éliminé la volupté métaphysique . Pour en finir avec la guerre contre le mal, le puritain doit détruire définitivement les méchants . Les méchants ne sont pas des adversaires, mais des vermines, et le puritain ne respecte ni droit de la guerre, ni déclaration de guerre, ni la vie des adversaires, qui sont exécutés sans jugement, et dont le corps lui-même est anéanti . La guerre puritaine qui domine actuellement le monde n'est pas déclarée, n'a jamais d'objectifs précis, limités et réalistes, de négociations respectueuses – elle est la lutte indéfinie contre l'axe du mal . Il ne s'agit rien d'autre que du choc de deux délires exterminateurs .


Le puritanisme est un narcissisme fragile qui s'appuie sur les distinctions morales pour se renforcer . Pour soutenir sa bonté, ce qu'il se représente comme un combat, il rejette les méchants, et donc peut massacrer en toute innocence, pour peu qu'il ait suffisamment caricaturé ses ennemis . Il est donc une évidente figure du barbare, infiniment plus sanguinaire au nom du progrès et de la civilisation que les généraux du XVIIIème siècle .


Car dans son ivresse exterminatrice qui commence dès qu'il a le plus petit pouvoir, le puritain est sans cesse repris dans le paradoxe de l'action violente : pour exterminer les violents, il ne cesse de faire couler le sang et de lâcher la bride à des hommes violents, ré-alimentant à l'infini le cercle de l'extermination . Les féministes veulent lutter pour la libération des femmes de la domination patriarcale, et constatent la fabrication des mâles ; mais pour cette lutte, certaines envisagent tout simplement d'inverser la domination, et donc de perpétuer la domination en créant une guerre des sexes, en s'appuyant sur des hommes ralliés, ou en les exterminant, ou en reproduisant un discours idéologique de domination à l'envers .


Le puritain pensant le mal comme extérieur à l'essence de l'homme exalte la responsabilité, la culpabilité individuelle : il croit en la liberté de manière fanatique quand il s'agit de répression . Je ne parle pas de la répression des ceux qui apparaissent pour le puritain comme victimes ; je parle des ennemis du puritain . Les victimes, et notre puritain en fait partie à ses yeux, ont tous les droits ; mais les ennemis peuvent être traité comme des choses . Un exemple de politique puritaine est la politique de sécurité routière, qui ne cesse d'augmenter le degré de répression au fur et à mesure de l'échec de ses mesures précédentes . Encore une fois, le puritain est tenté par le délire répressif, quand par exemple on menace de prison ferme quelqu'un qui roule à 180 sur une autoroute déserte, où la probabilité de mettre en danger la vie d'autrui est pratiquement nulle . Les exigences égotiques du puritain lui masquent le passage de sa lubricité destructrice vers ses ennemis, l'aveuglent sur lui même ; il est un pur, un homme non violent avide de sang et capable de tout : assassinat, torture, mais plus couramment mauvaise foi complète . Les appels à la répression, et la répression puritaine relèvent d'une jouissance mauvaise, haineuse, amère, avec un sentiment de juste vengeance . La parole de Cromwell est claire : moi, ou plutôt le Seigneur, en avons assez de vous .


Les raisons pour lesquelles le puritain est si moral, à ce point enivré de sa morale, ce que Lautréamont caricature grotesquement dans les poésies, sont totalement immorales . Le puritain est un narcissique fragile qui se gonfle de volonté de puissance à travers la dichotomie du bien et du mal : il est Tartuffe, mais souvent un Tartuffe qui croit en ce qu'il dit .


Lautréamont, poésies I :


Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l’espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophismes par le froideur du calme et l’orgueil par la modestie.


On ne rêve que lorsque l’on dort. Ce sont des mots comme celui de rêve, néant de la vie, passage terrestre, la préposition peut-être, le trépied désordonné, qui ont infiltré dans vos âmes cette poésie moite des langueurs, pareille à de la pourriture. Passer des mots aux idées, il n’y a qu’un pas .


Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cours d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les Acrotés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses aux camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées, comme celles de Cromwell, de Mlle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement.


Votre esprit est entraîné perpétuellement hors de ses gonds, et surpris dans le piège de ténèbres construit avec un art grossier par l’égoïsme et l’amour-propre.


Le goût est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités. C’est le nec plus ultra de l’intelligence. Ce n’est que par lui seul que le génie est la santé suprême et l’équilibre de toutes les facultés. Villemain est trente-quatre fois plus intelligent qu’Eugène Sue et Frédéric Soulié. Sa préface du Dictionnaire de l’Académie verra la mort des romans de Walter Scott, de Fenimore Cooper, de tous les romans possibles et imaginables. Le roman est un genre faux, parce qu’il décrit les passions pour elles-mêmes : la conclusion morale est absente. Décrire les passions n’est rien ; il suffit de naître un peu chacal, un peu vautour, un peu panthère. Nous n’y tenons pas. Les décrire, pour les soumettre à une haute moralité, comme Corneille, est autre chose. Celui qui s’abstiendra de faire la première choses tout en restant capable d’admirer et de comprendre ceux à qui il est donné de faire la deuxième, surpasse, de toute la supériorité des vertus sur les vices, celui qui fait la première.


Par cela seul qu’un professeur de seconde se dit : « Quand on me donnerait tous les trésors de l’univers, je ne voudrais pas avoir fait des romans pareils à ceux de Balzac et d’Alexandre Dumas, » par cela seul, il est plus intelligent qu’Alexandre Dumas et Balzac. Par cela seul qu’un élève de troisième s’est pénétré qu’il ne faut pas chanter les difformités physiques et intellectuelles, par cela seul, il est plus fort, plus capable, plus intelligent que Victor Hugo, s’il n’avait fait que des romans, des drames et des lettres.


Alexandre Dumas fils ne fera jamais, au grand jamais, un discours de distribution des prix pour un lycée. Il ne connaît pas ce que c’est que la morale. Elle ne transige pas. S’il le faisait, il devrait auparavant biffer d’un trait de plume tout ce qu’il a écrit jusqu’ici, en commençant par ses Préfaces absurdes. Réunissez un jury d’hommes compétents : je soutiens qu’un bon élève de seconde est plus fort que lui dans n’importe quoi, même dans la même dans la sale question des courtisanes.


Les chefs-d’œuvre de la langue française sont les discours de distribution pour les lycées, et les discours académiques. En effet, l’instruction de la jeunesse est peut-être la plus belle expression pratique du devoir, et une bonne appréciation des ouvrages de Voltaire (creusez le mot appréciation) est préférable à ces ouvrages eux-mêmes. — Naturellement !


Naturellement ! La moraline est toujours dans le jugement, au delà de toute discussion . Lautréamont a une vison très fine d'une forme de puritanisme moral qui en vient à nier le désir de lire, pour mettre la pensée dans les cercueils de la moraline officielle . Et cette moraline s'appuie sur le narcissisme des masses – la sottise de l'idéologie trouve toujours appui sur la sottise des masses, toujours . Par cela seul qu’un professeur de seconde se dit : « Quand on me donnerait tous les trésors de l’univers, je ne voudrais pas avoir fait des romans pareils à ceux de Balzac et d’Alexandre Dumas, » par cela seul, il est plus intelligent qu’Alexandre Dumas et Balzac . Ainsi le plus damné crétin pédant qui ne comprend rien au génie, n'a pas besoin de le défier dans l'acte créateur – il a juste besoin de pouvoir le condamner du haut de son abjecte moraline . Le puritanisme est une idéologie qui se développe sur le libre marché des sous-idéologies fonctionnelles, à égalité avec l'onfrisme, puisqu'elle permet à chacun de juger à partir de soi-même souverainement, à partir du kit de « valeurs » simples nommé bien - et une bonne appréciation des ouvrages de Voltaire (creusez le mot appréciation) est préférable à ces ouvrages eux-mêmes. — Naturellement !



Le puritanisme se caractérise par la prééminence de la moraline antérieurement à toute réflexion, car la réflexion est dévalorisée par un appel à l'urgence de l'action morale et un mépris de l'intelligence - les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, voyez en exemple les appels à l'urgence de l'intervention militaire en Libye ; par un délire idéologique, qui conduit à produire des masses de discours extrêmement vertueux et pompeux - Les chefs-d’œuvre de la langue française sont les discours de distribution pour les lycées, et les discours académiques (aujourd'hui les tirades moralisatrices des intellectuels de service ou des plumes des politiques, pérorant sur l'histoire sainte de la République); par la prééminence de l'appel à la répression, sur une ampleur qui devient vite délirante ; par une attitude de scandalisation permanente par rapport au monde : devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement . La réflexion est condamnée, culpabilisée au nom de l'urgence d'imposer par la force le Bien au monde . Le bain de sang de la Terreur est la manifestation puissante des tendances puritaines .


Le puritanisme est performant sur le libre marché des sous-systèmes idéologiques, parce qu'il est immédiatement accessible au premier imbécile venu, qui reçoit le droit de juger toute l'entendue de l'histoire, et la totalité de l'univers, du haut de son ego . Il est le piédestal portatif de la bêtise au front de taureau.

Le puritain ne cesse de se scandaliser . Son cri de ralliement est scandalisez vous ! Indignez vous ! Comme si le cri moral était une forme effective de résistance, comme si le spectacle de soi comme outré par l'immoralité du monde était plus que le spectacle égotique de la résistance – tout sauf la résistance authentique . Le puritain ne peut accepter le monde, car le monde le montre laid, stupide, perdant . Il ne cesse de creuser son propre malheur, en constatant sans cesse l'écart entre ce qu'il veut moralement et le monde . Le puritanisme est l'expression idéologique de la naïveté du narcissisme moralisateur . Le puritain passe son temps à crier au scandale . Associé à la bêtise moderne, il est très accessible à la théorie du complot, qui lui fournit les ennemis détestables et cachés qui ne sont que l'analogie de ses introjections clivées, justement cachées à ses regards, et qui pourtant le dominent de façon occulte . Car le puritain ne doute jamais de lui-même : La mélancolie et la tristesse sont déjà le commencement du doute ; le doute est le commencement du désespoir ; le désespoir est le commencement cruel des différents degrés de la méchanceté .


Le puritanisme a des cibles privilégiées qui sont le sang, le sexe, la violence . Il ne peut regarder en face le sang, le sexe, la violence, la puissance . Non seulement il s'en horrifie, mais il veut l'interdire aux autres . Il veut interdire les voitures puissantes, la corrida, même dans les régions où elle est traditionnelle, les sports violents, le sadisme, la chasse sanglante, les sports de combat, l'alcool, la drogue, la prostitution, quand bien même l'inefficacité effective de la prohibition soit assez évidente dans toutes ces disciplines de la vie .


Les puritains ne se contentent pas de faire leur vie dans le vide, ils veulent imposer leurs limites aux autres, et ne cessent de faire pression, n'ayant guère que ça à faire de leur vie, avec des ligues contre le tabac, l'alcool, la prostitution, les violences faites aux femmes, le bruit, les bêtes, sur les routes, aux poumons, et à tout ce que leur fantaisie leur désigne . Personne pourtant n'a songé à demander au puritain de se prostituer . Toutes ces ligues ne peuvent avoir qu'une perspective de militantisme et d'exigence, qui est le renforcement de la répression, et donc de l'arsenal législatif . Elles sont les agents actifs de toutes les tyrannies . Aucune ne doit être soutenue, je dis bien aucune, car le caractère inoffensif de l'une n'en justifie pas moins le délire répressif général de la bourgeoisie et l'évolution floue du régime libéral vers un totalitarisme statistique .


L'argent et la domination sont aussi des cibles très fréquentes des puritains pauvres, mais comme la bourgeoisie, c'est à dire l'argent, est au pouvoir, c'est à dire exerce la domination, ces domaines restent dans le domaine de l'extrême gauche puritaine, et un peu dans la rhétorique de l'extrême droite populiste, sans trouver d'application pour l'instant . Pour dire que l'oligarchie sait se servir des puritains, mais sait aussi les moquer, selon ses intérêts . L'oligarchie laisse actuellement aux classes moyennes le puritanisme de l'argent, et aux dominés le puritanisme de la domination – je rappellerais le fameux « il va falloir faire des sacrifices » que prononcent, régulièrement, les membres de l'oligarchie aux dominés, tout en augmentant leurs revenus .


C’est une succession non interrompue de combats, dont ne rêveront pas les boule-dogues, interdits en France, les requins et les macrocéphales-cachalots. Ce sont des torrents de sang, dans ces régions chaotiques pleines d’hydres et de minotaures, et d’où la colombe, effarée sans retour, s’enfuit à tire-d’aile. C’est un entassement de bêtes apocalyptiques, qui n’ignorent pas ce qu’elles font. Ce sont des chocs de passions, d’irréconciliabilités et d’ambitions, à travers les hurlements d’un orgueil qui ne se laisse pas lire, se contient, et dont personne ne peut, même approximativement, sonder les écueils et les bas-fonds.


Mais, ils ne m’en imposeront plus
.


Ce qui exaspère par dessus tout la constitution psychique puritaine est là, dans ces mots de Lautréamont : l'exaltation de la violence, de la passion, du combat, de la guerre, mère du monde ; et le fait d'hommes qui vivent de la puissance de la vie en eux, de la Volonté de puissance, qui désirent, qui jouissent, qui aiment à dominer même impitoyablement, et qui n'ignorent pas ce qu'il font – qui ne sont pas des sociopathes, qui connaissent la pitié, la compassion, la bonté et veulent aussi les délices de la cruauté, sans se la raconter, en sachant que celui qui engage les combats du monde sera un jour vaincu – c'est le prix à payer de tous les jeux – et le jeu est symbole du monde, la Lilà gratuite du Dieu qui se joue des hommes .


Toute vie n'est pas sérieuse ; plus encore, toute souffrance n'est pas sérieuse . Ce que la vie a de plus sérieux est peut être la légèreté et la jouissance ; peut être que même le sérieux accordé à sa propre souffrance est un manque de sagesse, et que le principe qu'il faille écouter celui qui souffre est une sottise . L'écouter certes, mais aussi l'orienter vers la joie ; et la joie est au delà de la souffrance, au delà du bien et du mal .


Le puritain ne peut pas voir un riche, ou un homme gai, sans parler de l'argent qui ne fait ni le bonheur ni la sagesse, ou de la superficialité de la gaité, sans voir la superficialité de sa sagesse - ce qui rend immédiatement sensible la réalité, à savoir que le puritain est un pauvre amer qui se la joue, qui se la raconte qu'il n'envie pas le riche, qu'il n'envie pas l'homme gai, alors qu'il en crève . Car si je ne doute pas de ne pas envier quelqu'un, est ce que je dois le justifier à moi-même ? Si le riche est malheureux, si « je ne l'envie pas, blablabla », pourquoi devrais–je en parler autant ? Est-ce que j'insiste sur le fait que je n'envie pas la vie de dingue du handicapé en le voyant ? Qui a jamais entendu quelqu'un justifier longuement qu'il n'a pas envie de ressembler à ce mendiant étendu devant les yeux ? Pourquoi devrait-on souffrir de la joie d'autrui, si l'on ne pensait les autres comme ennemis ?


C'est vrai, le puritain, je ne l'envie pas . Mais là je ne dis pas que je ne dois pas l'envier, je dis qu'il doit être dominé et encadré par les hommes libres, ceux que Catherine Millet nomme par exemple « ceux qui baisent beaucoup » - je m'efforce de montrer à quel point ses jugements et ses perspectives sont vides, et ce parce que le puritain veut IMPOSER au monde le puritanisme, y compris par la violence .


***


Avant d'étudier le sens de ces aspects dans l'économie psychique du moderne de base, notons que le puritanisme moderne est depuis quelque temps étroitement lié à la psychologie de gauche dont parle Théodore Kaczynski en ces termes :


Nous appelons les deux tendances psychologiques qui sont à la base du gauchisme moderne "le sentiment d'infériorité" et "la sursocialisation". Le sentiment d'infériorité est une caractéristique du gauchisme moderne dans son ensemble, tandis que la sursocialisation est caractéristique seulement d'un certain segment du gauchisme moderne; mais ce segment est hautement influent.


10. Par "sentiment d'infériorité" nous entendons non seulement le sentiment d'infériorité dans le sens le plus strict, mais un large spectre de traits associés : manque d'amour-propre, sentiment d'impuissance, tendances dépressives, défaitisme, culpabilité, haine de soi, etc. Nous soutenons que les gauchistes modernes ont tendance à avoir de tels sentiments (probablement plus ou moins réprimés) et que ces sentiments déterminent de façon décisive la direction du gauchisme moderne.


(...)

12. Ceux qui sont les plus sensibles à la terminologie "politiquement incorrecte" ne sont pas l'habitant moyen des ghettos noirs, l'immigrant asiatique, la femme maltraitée ou l'invalide, mais une minorité d'activistes, dont beaucoup n'appartiennent même à aucun groupe "opprimé", mais viennent des strates privilégiées de la société. Le politiquement correct a sa forteresse parmi les professeurs d'université, qui ont un emploi stable avec un salaire confortable et dont la majorité sont des hommes blancs hétérosexuels issus de familles bourgeoises.


13. Beaucoup de gauchistes s'identifient fortement avec les problèmes des groupes qui ont pour image d'être faibles (les femmes), vaincus (les Indiens d'Amérique), repoussants (les homosexuels), ou inférieurs d'une autre façon. Les gauchistes eux-mêmes estiment que ces groupes sont inférieurs. Ils ne s'avoueraient jamais qu'ils ont de tels sentiments, mais c'est précisément parce qu'ils voient ces groupes comme inférieurs qu'ils s'identifient avec leurs problèmes. (Nous ne suggérons pas que les femmes, les Indiens, etc, SOIENT inférieurs; nous pointons seulement un caractère de la psychologie gauchiste).


14. Les féministes tiennent désespérément à prouver que les femmes sont aussi fortes et aussi capables que les hommes. Clairement ils sont harcelés par la crainte que les femmes puissent ne pas être aussi fortes et aussi capables que des hommes.


15. Les gauchistes ont tendance à détester tout ce qui a pour image d'être fort, bon et couronné de succès. Ils détestent l'Amérique, ils détestent la civilisation Occidentale, ils détestent les mâles blancs, ils détestent la rationalité. Les raisons que les gauchistes donnent de leur haine de l'Occident, etc, ne correspondent clairement pas avec leurs motifs réels. Ils DISENT qu'ils détestent l'Ouest parce qu'il est guerrier, impérialiste, sexiste, ethnocentrique et ainsi de suite, mais si ces mêmes travers apparaissent dans des pays socialistes ou dans des cultures primitives, le gauchiste leur trouve des excuses, ou au mieux il admet À CONTRECOEUR qu'ils existent; tandis qu'il souligne AVEC ENTHOUSIASME (et souvent exagère énormément ) ces fautes là où elles apparaissent dans la civilisation Occidentale. Ainsi il est clair que ces fautes ne sont pas le motif réel du gauchiste pour détester l'Amérique et l'Occident. Il déteste l'Amérique et l'Occident parce qu'ils sont forts et qu'ils réussissent.


16. Les mots comme "confiance en soi", "indépendance", "initiative", "entreprise", "optimisme", etc, n'ont que peu de place dans le vocabulaire humaniste et gauchiste. Le gauchiste est anti-individualiste, pro-collectiviste. Il veut que la société résolve les besoins de chacun à sa place, s'occupe de lui. Ce n'est pas le genre de personne qui a une confiance intérieure en sa propre capacité à résoudre ses propres problèmes et à satisfaire ses propres besoins. Le gauchiste est opposé au concept de compétition parce que, au fond de lui, il se voit comme un perdant.


17. Les formes d'art qui plaisent aux intellectuels gauchistes modernes ont tendance à se concentrer sur le sordide, la défaite et le désespoir, ou bien ils prennent une tonalité orgiaque, rejetant tout contrôle rationnel comme s'il n'y avait aucun espoir d'accomplir quoi que ce soit par le calcul raisonnable et que tout ce qui restait était de s'immerger dans les sensations du moment.


18. Les philosophes gauchistes modernes ont tendance à écarter la raison, la science, la réalité objective et à insister que tout est culturellement relatif. Il est vrai que l'on peut sérieusement s'interroger sur les fondements de la connaissance scientifique et sur la façon de définir, si toutefois c'est faisable, le concept de réalité objective. Mais il est évident que les philosophes gauchistes modernes ne sont pas simplement des logiciens imperturbables analysant systématiquement les fondements de la connaissance. Ils sont profondément impliqués émotionnellement dans leur attaque de la vérité et de la réalité. Ils attaquent ces concepts à cause de leurs propres besoins psychologiques. D'une part, leur attaque est un exutoire pour l'hostilité et, dans la mesure où il est couronné de succès, il satisfait leur recherche de puissance. Ce qui est plus important, le gauchiste déteste la science et la rationalité parce qu'elles classifient certaines croyances comme vraies (c'est-à-dire, fructueuses, supérieures) et d'autres croyances comme fausses (c'est-à-dire des échecs, inférieures). Le sentiment d'infériorité du gauchiste est si profond qu'il ne peut pas tolérer de classification de certaines choses comme fructueuses ou supérieures et d'autres comme ratées ou inférieures. C'est aussi à la base du rejet par beaucoup de gauchistes du concept de maladie mentale et de l'utilité des tests de quotient intellectuel. Les gauchistes sont opposés aux explications génétiques des capacités ou comportements humains parce que ces explications ont tendance à faire apparaître certaines personnes comme supérieures ou inférieures à d'autres. Les gauchistes préfèrent donner à la société le crédit ou le blâme pour les capacités d'un individu ou leur absence de capacités. Ainsi si une personne est "inférieure" ce n'est pas sa faute, mais celle de la société, parce qu'il n'a pas été élevé correctement.


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Les psychologues utilisent le terme "socialisation" pour désigner le processus par lequel les enfants sont formés à penser et agir comme la société l'exige. On dit qu'une personne est bien socialisée si elle croit et obéit au code moral de sa société et s'insère bien comme un rouage de cette société. Il peut sembler insensé de dire que beaucoup de gauchistes sont sur-socialisés, puisque le gauchiste est perçu comme un rebelle. Néanmoins, la position peut être défendue. Beaucoup de gauchistes ne sont pas aussi rebelles qu'ils le semblent.


25. Le code moral de notre société est si exigeant que personne ne peut penser, ressentir et agir d'une façon complètement morale. Par exemple, nous sommes censés ne haïr personne, cependant à peu près tout le monde déteste quelqu'un à un moment ou un autre, qu'il se l'avoue ou non. Certaines personnes sont si fortement socialisées que l'effort pour penser, pour ressentir et agir moralement leur impose un fardeau sévère. Pour éviter le sentiment de culpabilité, ils doivent continuellement se mentir sur leurs motifs et trouver des explications morales à des sentiments et des actions qui ont en réalité une origine non-morale. Nous utilisons le terme "sursocialisé" pour décrire ces gens.


26. La sursocialisation peut mener à une mauvaise opinion de soi, un sentiment d'impuissance, au défaitisme, à la culpabilité, etc. Un des moyens les plus importants par lesquels notre société socialise les enfants est de leur faire honte de comportement ou de discours contraires aux attentes de la société. Si on en fait trop, ou si un enfant particulier est spécialement susceptible à de tels sentiments, il finit par avoir honte de LUI-MÊME. De plus la pensée et le comportement de la personne sursocialisée sont plus limités par les attentes de la société que ceux de la personne faiblement socialisée. La majorité des gens s'engage dans une quantité significative de mauvais comportements. Ils mentent, ils commettent de petits vols, ils violent le code de la route, ils tirent au flanc au travail, ils détestent quelqu'un, ils disent des choses rancunières ou ils font des sournoiseries pour passer devant un autre. La personne sursocialisée ne peut pas faire ces choses, ou si elle les fait elle éprouve de la honte et de la haine de soi. La personne sursocialisée ne peut même pas éprouver, sans culpabilité, des pensées ou des sentiments qui sont contraire à la morale acceptée; elle ne peut pas avoir des pensées "malpropres". Et la socialisation n'est pas seulement une question de morale; nous sommes socialisés pour nous conformer à beaucoup de normes de comportement qui ne relèvent pas de la morale. Ainsi la personne sursocialisée est tenue par une laisse psychologique et passe sa vie sur des rails que la société a fixés pour elle. Chez beaucoup de personnes sursocialisées ceci se traduit par un sentiment de contrainte et d'impuissance qui peut être une souffrance sévère. Nous suggérons que la sursocialisation est parmi les plus sérieuses cruautés que les êtres humains infligent à d'autres.


27. Nous soutenons qu'un segment très important et influent de la gauche moderne est sursocialisé et que leur sursocialisation est très importante dans la détermination de la direction du gauchisme moderne. Les gauchistes du type sursocialisé ont tendance à être des intellectuels ou des membres de la bourgeoisie. Remarquez que les universitaires constituent le segment le plus fortement socialisé de notre société et aussi le segment le plus à gauche.


28. Le gauchiste du type sursocialisé essaye d'enlever sa laisse psychologique et d'affirmer son autonomie en se rebellant. Mais il n'est ordinairement pas assez fort pour se rebeller contre les valeurs les plus fondamentales de la société. En général, les buts des gauchistes d'aujourd'hui ne sont PAS en conflit avec la morale acceptée. Au contraire, le gauchiste prend un principe moral accepté, l'adopte comme sien et accuse ensuite la société de violer ce principe. Exemples : l'égalité raciale, l'égalité des sexes, aider les pauvres, la paix par opposition à la guerre, la non-violence en général, la liberté d'expression, la bonté envers les animaux. Plus fondamentalement, le devoir qu'a l'individu de servir la société et le devoir qu'a la société de s'occuper de l'individu. Tout ceci sont des valeurs profondément enracinées dans notre société (ou au moins sa bourgeoisie) depuis longtemps. Ces valeurs sont explicitement ou implicitement exprimées ou présupposées dans la plus grande part de ce qui nous est présenté par les médias grand public et le système éducatif. Les gauchistes, particulièrement ceux du type sursocialisé, ne se rebellent normalement pas contre ces principes, mais justifient leur hostilité à la société en assurant (avec un certain degré de vérité) que la société ne vit pas en accord avec ces principes.


(...)

30. Nous ne prétendons certainement pas que les gauchistes, même du type sursocialisé, ne se rebellent JAMAIS contre les valeurs fondamentales de notre société. Clairement ils le font parfois . Quelques gauchistes sursocialisés se sont tellement rebellés contre un des principes les plus importants de la société moderne qu'ils se sont engagés dans la violence physique. De leur propre aveu, la violence est pour eux une forme de "libération". Autrement dit, en commettant des violences ils passent à travers les contraintes psychologiques qui leur ont été inculquées. Parce qu'ils sont sursocialisés ces contraintes les ont plus restreints que d'autres; d'où leur besoin de s'en libérer. Mais ils justifient ordinairement leur rébellion en termes de valeurs dominantes. S'ils s'engagent dans la violence ils revendiquent se battre contre le racisme ou quelque chose d'équivalent.


31. Nous nous rendons compte que beaucoup d'objections pourraient être soulevées contre le croquis sommaire qui précède sur la psychologie gauchiste. La situation réelle est complexe et s'approcher d'une description complète de ce sujet prendrait plusieurs volumes même si les données nécessaires étaient disponibles. Nous revendiquons seulement avoir indiqué très grossièrement les deux tendances les plus importantes dans la psychologie du gauchisme moderne
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Kaczynski note que la haine de soi de la psychologie de gauche – très proche de ce que j'appelle puritanisme pour ne pas condamner toute la gauche – est une haine de soi qui ne veut pas s'avouer . Elle n'a rien d'une haine explicite, féroce – elle est haine de soi déniée . De même, la sursocialisation qu'il observe est carcérale, mais se présente comme liberté, et respect de la liberté d'autrui . Le déni est au cœur du totalitarisme moderne .


Pour faire exploser le voile de ce déni, depuis Gide et la notion d'acte gratuit, l'idée qu'un acte violent sans justification morale est libérateur est un fil rouge de la psychologie moderne . L'homme moderne est hypersocialisé, puisque la complexité du Système ne peut admettre des écarts excessifs à une norme de production de la personnalité de base, qui serait susceptible de gripper le Système .


La personnalité de base produite par le Système est soit très labile, très pulsionnelle, infantile, immature, dépendante – personnalité de base narcissique–hédoniste, incapable de puissance théorique, incapable de mener un projet à long terme, incapable finalement d'être adulte à part entière . Cette personnalité est produite avec plus ou moins d'intensité par les enfants élevés sans limites cadrantes, avec une satisfaction très rapide de la pulsion la plus simple par l'industrie culinaire, médiatique, etc ; son résultat final est soit le prolongement indéfini de l'immaturité et de la dépendance, soit l'impuissance face au monde, la violence ou la dépression – ou encore l'enfermement du geek . Cependant, elle est la personnalité parfaite, en tant qu'individualisme inconsistant, pour les catégories sociales dominées, chez qui doit dominer la capacité à consommer n'importe quel produit sans critique, et des compétences justes suffisantes pour les tâches subalternes du Système .


Soit, résultat d'une éducation hyper–attentive à son bien être mais cadrante, une personnalité de base très organisée mais hyper-morale, avec des risques d'être obsessionnelle et impuissante dans l'action . Elle se rencontre plutôt dans les milieux favorisés . Un être à faibles pulsions peut conserver ce cadre . Il est probable que sont les plus puritains les êtres en puissance les plus nobles, sujets à de grandes passions, et atteints par une intense culpabilisation . Il est possible alors que leur culpabilisation et leur cruauté puissent être jouées dans le sado–masochisme, et que le développement du sado-masochisme soit au moins l'exutoire des plus violents désirs . De même, le satanisme est une forme populaire de respiration anti-puritaine . Mais la pratique effective de tels jeux suppose déjà le dépassement de certaines limites .


Les personnalités de ce type, hypersocialisées, forment les consommateurs et les producteurs du puritanisme idéologique, de ceux qui pensent que la crise écologique se résoudra en punissant les consommateurs par des taxes, et en jouissant moins, par exemple . Mais la crise de la personnalité narcissique-hédoniste peut aboutir logiquement à un puritanisme, puisque le narcissisme et l'impuissance a affronter la frustration sont des traits communs du puritanisme moderne et de la personnalité narcissique - hédoniste . La crise de la personnalité narcissique hédoniste est prévisible et fréquente : elle survient quand le sujet aborde le mur de la frustration liée à son impuissance . Pulsionnelle, sans continuité, cette personnalité ne peut acquérir de grandes compétences, en général, et n'est apte qu'à des positions subalternes dans la société, quand dans la famille tout était au service de ses satisfaction immédiate et inconditionnelle . L'entrée dans l'âge adulte est un choc amer, et le sentiment parfois d'être un génie incompris, quand le sujet est juste stupide .


Le puritanisme est alors un aménagement aisé . Il conserve la structure mégalomane de l'enfant roi, puisque le puritain juge le monde de son ego, et se clive de tout mal, en se considérant comme bon et porte parole du Bien . Il permet de vivre la frustration en la déniant . En effet, cette structuration amène le sujet à dénier ces désirs, à se cliver de ses désirs ; et c'est aussi bien une opération de défense contre eux qui permet d'éviter la frustration consciente, mais dont le prix à payer est la prolongation de l'impuissance, puisque le sujet de désir dénié ne peut se mettre à chercher à les satisfaire de manière déterminée, comme un homme qui désire maitriser un art difficile et sait qu'il ne le possède pas actuellement : il subit une frustration, mais peut être récompensés de longs efforts . Alors qu'en déniant ses désirs, le puritain se prive du moteur principal des grandes actions, se prive de l'ambition, de la guerre, de la puissance même de la vie . Il se prive de cela :


C’est une succession non interrompue de combats, dont ne rêveront pas les boule-dogues, interdits en France, les requins et les macrocéphales-cachalots. Ce sont des torrents de sang, dans ces régions chaotiques pleines d’hydres et de minotaures, et d’où la colombe, effarée sans retour, s’enfuit à tire-d’aile. C’est un entassement de bêtes apocalyptiques, qui n’ignorent pas ce qu’elles font. Ce sont des chocs de passions, d’irréconciliabilités et d’ambitions, à travers les hurlements d’un orgueil qui ne se laisse pas lire, se contient, et dont personne ne peut, même approximativement, sonder les écueils et les bas-fonds.


Ce déni, retourné contre le sujet, se transforme en rage et en colère . Le puritain moderne est plutôt passif et haineux . Il a la haine, et peut se croire super pur et super rebelle, alors qu'il n'est qu'un être immature .


Le caractère narcissique et mégalomane du puritanisme explose quand il s'agit de juger un acte, ou des paroles que le sujet prend pour une agression à son égard . Le puritain, je l'ai dit, ignore totalement la justice, comme équilibre des peines . Pour lui, il exige la sécurité et la haute protection des lois ; mais pour ses ennemis, il ne pose aucune limite à l'agression qu'il s'autorise . L'assassinat ciblé d'adversaires politiques sans procès est parfois une pratique puritaine ; mais surtout, ce qui est puritain, c'est l'absence totale de gravité concernant la mise à mort d'un homme sans jugement . Il est possible de tuer avec gravité – ce que faisait par exemple un chasseur traditionnel, qui demandait le pardon de sa victime, ou un chevalier qui tuait un homme noble sur le champ de bataille, et faisait rendre des honneurs au corps de son ennemi . L'homme juste, ayant subi un crime, est fier de garantir un procès équitable à son ennemi . Jamais l'Israël moderne ne fut plus grande et plus juste que lors du procès d'Eichmann . Aujourd'hui, on présente au monde sur le modèle de la Cène la photo de l'équipe supervisant l'exécution sans jugement d'Oussama Ben Laden – sans doute aussi parce qu'un tel captif, ou qu'un tel procès d'un ancien allié seraient encombrant et risqué . On semble oublier que la Cène est la préparation non pas de l'exécution du méchant, mais du fils de Dieu . Voilà les futurs prix Nobel de la Paix, ces êtres humains, dans un bureau cossu, qui supervisent avec attention une exécution, sans même formuler un argumentaire juridique pour le monde ?


Par ailleurs, le puritain, en cas d'agression, subi un effondrement du monde et de l'ego – il est aisément traumatisé, percé dans ses mécanismes de défense très frustes, qui sont essentiellement des formes de déni . Le puritain agressé s 'effondre avec son monde, et en partie parce que l'agression risque de lui faire sentir ses désirs déniés . Parler de l'agression, même en général, du caractère normal de la violence ou du désir violent, lui est rapidement insupportable, comme si le fait de parler de la banalité du mal était le défendre, et comme si reconnaître le caractère banal de l'agression était au fond la légitimer . La Loi s'oppose à des pulsions présentes en tout les hommes, et n'est pas un mode de désignation des anormaux . Le sage ne nie pas la réalité du mal, et sait que la guerre contre le mal se divise en grande guerre contre le mal intérieur, et en petite guerre contre le mal extérieur . Tel est le sens du mot des Évangiles sur la paille et la poutre : avant d'enlever la paille qui est dans l'œil de ton frère, enlève la poutre qui est dans le tien .


Virginie Despentes (King Kong Théorie) note, dans le contexte puritain :


On s’obstine à faire comme si le viol était extraordinaire et périphérique, en dehors de la sexualité, évitable. P 49 (...) alors qu’il est au contraire au centre, au cœur de nos sexualités.(...) omniprésent dans les arts depuis l’Antiquité (...) squelette du capitalisme, il est la représentation crue et directe de l’exercice du pouvoir.(...) synthétise un ensemble de croyances fondamentales concernant la virilité.


Sur le fantasme de viol : je suis sûr que nombreuses sont les femmes qui préfèrent ne pas se masturber, plutôt que de savoir ce qui les excitent


A mettre en écho à Amadou Hampâté Ba, l'étrange destin de Wangrin :


Le récit du viol de la belle Pougoubila, par exemple me fut fait par Doumouma lui même sans rien omettre de ses torts. En Afrique traditionnelle, avouer une mauvaise action n’avait rien de honteux ; ce qui l’était c’était se vanter de ses mérites ou de ses œuvres . (p361)


Il est courant, face à un problème d'ordre cognitif, de nier le problème sans remettre en cause, pour des raisons économiques évidentes, l'ensemble de notre idéologie implicite et de notre structure . Une féministe puritaine peut constater qu'une femme ne correspond pas à ses attentes, ou désire se prostituer tranquillement, comme Virginie Despentes, et en retire du plaisir sexuel . Elle peut entendre, de la part d'une criminologue, que la violence féminine envers les hommes est plus discrète, mais aussi fréquente que l'inverse, et souvent très destructrice psychologiquement . Mais elle peut éviter de regarder cela pour plein de raisons . Et d'abord parce que de tels témoignages sont tout à fait contraires au féminisme moyen, absolument inassimilables par lui – le féminisme moderne ne peut se voir comme puritanisme au service du Système, surtout dans les syndicats et les partis « anticapitalistes », qui vendent l'anti-marché sur le marché .


La fragilité narcissique du puritain ne cesse d'exagérer le traumatisme des victimes, va jusqu'à parler à la place de la victime, parler de manière générale, comme si toutes les victimes DEVAIENT se comporter comme il l'attend pour survivre psychologiquement . Voyez le journal d'une femme allemande à Berlin en 1945, qui ne cesse de donner priorité à la survie, et qui dit ouvertement qu'en période de crise de subsistances, elle ne se pose pas de questions sur les viols dont elle est victime . Sans aucun doute, elle faisait preuve de plus de dureté et de sagesse que le comportement socialement attendu, en se relevant pour se battre à nouveau avec la vie, en cherchant immédiatement un amant puissant .


Le puritain va surtout nier tous les recherches victimologiques, absolument scandaleuses à ses yeux, qui montrent une forte corrélation entre certain types de structuration psychologique et la victimation, non seulement dans les agressions par autrui, mais aussi dans les accidents domestiques ou routiers – ce qui montre qu'il existe bien des comportements qui renforcent le risque d'agression, voire une recherche inconsciente de l'agresseur . Pire, ces recherches montrent une logique systémique du bourreau et de la victime, c'est à dire un désir de l'un pour l'autre, dans certains cas de violences répétées et perverses . Toute réflexion sans indignation sur la psychologie des victimes est pour le puritain un sujet d'indignation . Pour un puritain, toute victime d'une agression sexuelle, y compris des attouchements en réunion accompagnés de violence et d'humiliation, doit nécessairement détruire pour la vie l'estime de soi de la victime, voire le détruire tout court pour la vie . En réalité, la puritain le plus névrosé s'identifie tellement à la victime qu'il la noie, bien loin de lui rendre service . Il lui donne des conseils impuissants, de parler, de porter plainte, de chercher de l'aide, bref, de rester dépendant . Une autre solution très ancienne et réparatrice est de se venger violemment, sans plus parler .


Car une solution psychologique pour la victime est également de devenir bourreau, et de personnes innocentes de ses agressions . La victime n'est pas un être bon et innocent, et l'agressé peut éprouver un obscur plaisir, et s'identifier à l'agresseur . L'ambivalence de la victime, voire parfois sa jouissance n'est pas un sujet abordable . Ajoutons, pour être complet, que la liberté individuelle est une pensée issue d'une constitution illusoire d'un ego souverain, et non d'une structure tiraillée entre des pôles . Aussi bien pour l'homme que pour la femme, le consentement n'est pas une structure binaire qui pense en tout lieux ou en tous temps OUI ou NON . Il est un peu oui, un peu non, et tout le monde le sait . C'est pourquoi les séducteurs et les séductrices savent insister pour obtenir le consentement . Il existe bien sûr une multitude d'indices de décision, d'hésitation plutôt vers le oui, plutôt vers le non . Mais il est des cas limites, très limites . Demander que chaque partenaire dise explicitement OUI avant de s'engager dans un acte sexuel, serait réduire de manière vertigineuse les actes pourtant effectivement consentis .


Le simplisme de l'idéologie puritaine est incapable de rendre compte de la complexité étendue de la sexualité humaine .


Dernier point : le puritanisme est une idéologie fonctionnelle pour la classe moyenne en période de difficultés, comme le darwinisme social est une idéologie fonctionnelle pour la bourgeoisie qui domine le monde à la fin du XIXème siècle . Un Berlusconi peut tenir des discours puritains, car c'est une façon de rendre l'austérité obligatoire pour ces classes en difficulté volontaire, de faire comme si c'était une pauvreté choisie ; mais les oligarques ne nient que très peu de leurs désirs, ayant immensément désiré la puissance par désir, et pour réaliser leurs désirs . Le puritanisme du discours oligarchique est pour les autres ; et les puritains américains des tea party ne s'y trompent pas, qui haïssent l'oligarchie . A l'âge de fer, l'obscur désir de dictature des classes moyennes qui se sentent en danger – désir exaucé dans l'histoire – permet aux oligarchies de renforcer la répression, et la capacité puritaine à nier la réalité est typique d'une sous - idéologie et d'une psychologie bien adaptées au Spectacle, et bien adapté à se la jouer plus proche des intérêts de l'oligarchie que des pauvres, ces salauds sans mœurs, chez lesquels des formes d'agression entre sexes semblent banalisées . Pourtant la haine puritaine pourrait déborder l'oligarchie actuelle .


Pour conclure : l'homme du ressentiment de Nietzsche n'est pas le Sage, par exemple Sri Ramana Maharishi ; l'homme du ressentiment de la généalogie de la morale est le puritain moderne, plaqué sur l'ancienne histoire selon un mode de projection banal dans l'historiographie . L'Avesta est un ouvrage qui ne contient pas de ressentiment, mais la Bible non plus, sauf dans sa lecture puritaine . Les livres sacrés, et le Sage, sont un OUI au monde, dans sa totalité de Bien ET de mal, de bonheur et de malheur, de jouissance et de douleur . Le puritain veut, et peut se manifester comme un Sage – mais la même manifestation peut masquer des réalités très différentes . La douceur et la sagesse puritaine masquent, clivent la haine, l'envie et le ressentiment condamnés par le dixième commandement de la Loi mosaïque . Le Sage authentique est incorruptible, puisqu'il est éternel, et pas parce qu'il refuse de toucher ce qui passe, la puissance du monde ou l'argent . Imagine-t-on Gandhi déclencher une campagne de Terreur comme Robespierre ?


Sans aucun doute, le puritain est l'inversion du Sage dans notre âge ; ou encore, comme dans la confession du pécheur justifié de James Hogg, qui savait de quoi il parlait, il possède en ces profondeurs quelque chose d'absolument mauvais .


Pecca, pecca fortiter ! Sed Crede fortius ! Pèche, pèche violemment ! Mais crois encore plus (Luther)


Vive la mort, le sperme et le sang !




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